17 juillet 2012.
Aujourd'hui, mon petit Aksel, rien n'a changé. Maman et Klemens sont passés te voir ce matin et cet après-midi, c'est moi qui suis là à tes côtés. Aujourd'hui, comme depuis deux mois, c'est toujours la même attente insurmontable dans cette chambre d’hôpital froide et sinistre. Comme tous les jours, des médecins et des infirmiers se bousculent toutes les heures à ton chevet pour voir comment tu vas, si ton état s'améliore. Et à chaque fois, c'est la même réponse qu'ils nous livrent : aucune amélioration. Rien. Tu n'as pas plié un doigt, tu n'as pas bougé ne serait-ce qu'une de tes paupières. A la maison, l'ambiance est triste et maussade. Personne ne parle vraiment, toutes nos conversations restent superficielles. J'aimerais crier ma douleur à quelqu'un, qu'une personne me comprenne. Mais dans la vie, à chaque coup dur, ça a toujours été toi. Et seulement toi. Maintenant que tu es là, étendu sur ce lit d’hôpital, les paupières closes, la respiration faible, je me rends compte que tu es la personne la plus importante dans ma vie. Tu es mon petit frère, chose qui ne changera jamais. Je ne te l'ai jamais dit, mais je me suis toujours demandé pourquoi nous n'étions pas jumeaux. Une part de moi a toujours su que nous étions bien plus que de simples frère et sœur, que nous étions comme des âmes sœurs. C'est dans ces moments là que je me rends compte que tu n'es pas qu'un simple frère, mais que tu es mon confident et mon meilleur ami. Si tu voyais ces mots, tu rigolerais et te moquerais de moi. Mais aujourd'hui, tu n'es plus là pour rire à mes côtés. Enfin si, tu es encore là, tu respires, branché à toutes ces machine, mais tu ne bouges pas, tu ne ris pas. Mais je veux que tu te battes, que tu te battes aussi fort que moi je me bats aujourd'hui pour ravaler mes larmes et prétendre que tout va bien quand je pense à toi. Je veux que tu te battes pour moi, mais aussi pour Maman, Klemens, Maja et Papa. Et pour tes amis aussi et tous les gens qui t'aiment et veulent t'avoir près d'eux. Oh, mon téléphone sonne. Pardonne moi mon frère chéri, mais c'est Niels qui m'appelle. Je reviens tout de suite. Cette énième lettre n'est pas fini..

Tu poses le stylo sur la petite table et attrape ton téléphone. Le prénom de Niels inscrit sur ton portable te décroche un sourire, un vrai. Le premier depuis bien longtemps. Tu te demandes ce qu'il veut. Peut-être qu'il va venir te chercher pour te changer les idées, comme il le fait depuis ces deux derniers mois. Ou alors il va te demander des nouvelles de ton frère et t'épauler comme le vrai ami qu'il est. Tu t'empresses d'appuyer sur le bouton vert et portes l'appareil à ton oreille gauche. Aksel est dans le coma depuis deux mois maintenant. Deux longs mois où rien n'a changé. Deux long mois où tu as mis ta vie entre parenthèse pour t'occuper de lui, être à ses côtés. - Niels, c'est toi ? - Tu attrapes ton sac à main, posé à côté du lit où repose Aksel et te dirige en direction des toilettes. Tu espères que personne ne sera à l'intérieur pour pouvoir lui téléphoner tranquillement. - Oui c'est moi. Ça va, tu te sens mieux ? - Tu traverses le long couloir du cinquième étage de l’hôpital, puis ouvres la porte. Il n'y a personne à l'intérieur. - Ça va.. Ne t'inquiète pas. - Mensonge. Tu ne vas pas bien et ce n'est un secret pour personne. Et encore moins pour Niels. Il te connais trop, que ce soit tes petites manies, tes rêves les plus fous ou encore chaque trait de ton foutu caractère. - Tu es sûr ? Tu peux m'en parler tu sais.. - Il marque une pause avant de continuer : - Des nouvelles alors ? - Tu sens dans sa voix qu'il est gêné. Tu avances en direction du miroir et observe ton reflet. Une larme coule sur ta joue et tu l'essuies à l'aide de la manche de ton pull. Qu'a fait ta famille pour mériter ça ? Qu'a fait Aksel pour se retrouver dans le coma ? A ces pensées, d'autres larmes parcourent ton visage et tu es à deux doigts de t'effondrer. Une peine indescriptible s'est encrée en toi depuis maintenant deux mois et tu n'arrives pas à l'extirper. Tu te sens impuissante face au sort de ton frère. Un accident de moto lui a ôté son sourire ce matin là. Aujourd'hui, les médecins ne savent pas qu'elle sera son état quand il se réveillera. - Non.. Rien.. Aucune amélioration ! Je commence à croire qu'il ne s'en sortira jamais et je ne pourrais pas le supporter ! - Regarder ton visage dans le miroir te met hors de toi. Tu ne comprends pas pourquoi ce n'est pas Aksel qui est à ta place et toi allongée dans ce lit d’hôpital. - Mais non, ne dis pas ça ! Il est fort, il va se battre pour vous, pour toi ! Attends moi, j'arrive ! Tu as besoin de moi.. - Tu raccroches le téléphone et le mets dans ton sac. Savoir que Niels est en route pour l’hôpital te fait l'effet d'une bouffée d'air frais. Les blessures de ton coeur s'apaisent quelque peu. Tu retournes dans la chambre de ton frère après avoir essuyer les larmes sur ton visage. Tu ne veux pas qu'il te voit les yeux rouges, rongés par la peine et la tristesse. La lettre que tu as commencé quelques minutes plus tôt, se trouve là où tu l'as laissé. Tu la reprends mais les mots ne viennent plus. Ce doit être au moins la trentième que tu écris. Depuis que ton frère est dans la coma, tu ne cesses d'inscrire ton ressenti sur un bout de papier. C'est ta manière à toi d'exprimer ta peine sans que personne ne le sache. Toutes ces lettres, tu les laisses chez toi, dans un tiroir où se trouvent quelques photos de toi et de ta famille, ainsi que des objets qui comptent pour toi. D'habitude, tu n'aimes pas conserver ce genre de chose, mais là c'est différent. Comme si le fait d'avoir une photo d'Aksel ainsi qu'une carte postale qu'il t'a écrite il y a bien des années, te permettait de faire survivre la flamme qui brûle en lui. Tu t'assois sur le lit de ton frère et lui prend la main. Comme si l'espace d'un instant, vous étiez connectés, toi et lui.

one week ago.
- Dis, tu préfères la noire ou la fleurie ? - Tu sors de ton placard deux magnifiques robes comme tu n'en portes pas souvent. Tu les mets une à une devant toi afin que Niels puisse mieux voir. Il te regarde, fronce légèrement les sourcils. Son avis t'importe beaucoup. - Hum.. Met la noire ! Oui, la noire, ça te va mieux ! - Tu poses la robe fleurie sur le lit où ton meilleur ami est assis puis retournes dans la salle de bain pour te changer. Avant, tu l'aurais fait devant lui, sans problème. Mais les choses ont définitivement changé. Comment Niels peut-il être aveugle à ce point ? Ton amour pour lui est comme inscrit sur ton visage. N'importe qui peut le voir, n'importe qui peut déceler tes sentiments au moment même où tu poses tes prunelles sur lui. Tu le maudis, véritablement. Tu voudrais lui ouvrir les yeux, lui montrer que tu es là toi. Et que tu ne ressens pas uniquement de l'amitié pour lui. Ou alors peut-être qu'il fait semblant ? Qu'il fait semblant de ne rien voir pour ne pas te blesser. Une multitude de questions se bousculent dans ta tête mais aucune réponse ne vient se hisser dans ton esprit. Il est là, dans la pièce voisine et tu ne saurais trouver les mots pour lui dire ce que tu ressens à l'intérieur. Que lorsqu'il trouve une fille jolie dans la rue, tu ne peux t'empêcher de te demander ce qu'elle a de plus que toi. Que lorsqu'il te raconte une de ses histoires sentimentales, ton coeur se détruit tout doucement, à petit feu. Que lorsque tu croises son regard, ta poitrine se serre tellement que tu en as presque le souffle coupé. Tu laisses glisser le t-shirt et le short que tu portes et enfiles la petite robe noire qu'il a choisi. Tu détaches tes longs cheveux dorés, qui désormais ondulent en cascade sur tes épaules laissées nues par ta robe. Tu maquilles légèrement tes yeux d'un trait de crayon de couleur bronze, rajoutes une couche de mascara et retrouves Niels, maintenant allongé sur ton lit. - Alors tu en penses quoi ? Hans Nicolsen sera content ? - En réalité, tu te fiches pas mal de l'avis de Hans. La seule opinion qui compte pour toi est bien celle de Niels. Tu le regardes, dans les yeux d'abord, puis finis par les détourner quand il détaille ta silhouette parfaitement moulée dans cette jolie robe noire. - Wow, tu es magnifique ! Et Nicolsen sera impressionné par tant de beauté ! - Il sourit. Tu observes les petites fossettes qui se dessinent de chaque côté de son visage. A cet instant précis, tu rêves que le temps s'arrête. Tu es à deux doigts de courir vers lui, de le plaquer sur le lit pour pouvoir te suspendre à ses lèvres. Comme la dernière fois. Comme la dernière fois où ton coeur et ton corps, se sont abandonnés à lui. Comme la dernière fois, où dans un simple regard, de simples gestes, tu as livré de la plus sincère des façons tes sentiments. Mais toutes les bonnes choses ont une fin et il semblerait que Niels ne soit jamais tien. Tu ne bouges pas. Ton coeur t'ordonne d'aller le retrouver, de reprendre là où vous vous étiez arrêtés la dernière fois avant que tu ne partes furtivement. Mais tes jambes ne bougent pas. Tu es figée sur place, telle une statue de glace, simplement bonne à le regarder. Quand tout d'un coup, tu parviens à reprendre la maîtrise de tes membres, tu avances doucement vers lui et t'assois sur le lit. Tu n'oserais jamais faire ça, tu n'oserais jamais gâcher cette belle amitié simplement pour assouvir tes désirs. - Dis moi, tu l'apprécies vraiment ce Nicolsen ? - Tu sens une pointe d'agacement dans sa voix. Dès fois, tu ne le comprends pas. Niels est la premier à vouloir te trouver tout pleins de rendez-vous, mais il est toujours là pour te dissuader de voir tel ou tel homme. Il parvient à te perdre, comme à chaque fois. Tu ne sais pas quoi penser et ça a toujours été ainsi avec lui. Un jour oui, un jour non. Et ses sentiments sont et resteront un grand point d'interrogation.